dimanche 22 décembre 2024

Aldo Magic Band, par Grégoire Bagot

ALDO MAGIC BAND (Reims, 1987-1990)

Le groupe s'est formé en septembre 1987, peu après la rentrée scolaire. J'étais au lycée Clémenceau. Pendant tout le mois d'août, j'ai suivi un stage d'anglais à Édimbourg. Là-bas, j'ai rencontré Olivier, un gars sympa qui venait de Reims lui aussi et qui jouait de la flûte traversière au Conservatoire municipal. On s'est super bien entendu et à la rentrée on a découvert que, par le plus grand des hasards, on se retrouvait en Première dans la même classe (lui venant d'un autre lycée) ! Je lui ai alors proposé de jouer de la flûte dans le groupe qu'on était en train de former.

Dans ce groupe, il y avait moi à la guitare et Fédakar à la basse. Et on s'est associés avec Aldo, le batteur, qu'on avait connu l'année précédente. Il avait eu des répètes et le concert de Johnny Olida & The Grand Bananes Flash, le groupe éphémère qu'on avait monté avec Julien en juin 87, où l'on reprenait principalement des morceaux des Martyrs du Vercors, son groupe lyonnais. Comme Aldo était fan et voulait jouer avec Julien, il a rejoint notre groupe - même si Julien était reparti à Lyon pour la rentrée scolaire.

Aldo était lui aussi au lycée Clémenceau, où il avait atterri après avoir réussi à quitter le collège Saint-Joseph, un truc privé de frères jésuites où il ne se sentait pas du tout à l'aise. Il nous a proposé un copain à lui pour le poste de chanteur : Jean-Michel. Celui-ci était dans un lycée technique - tandis que Fedak venait du quartier du nord de Reims (Orgeval) et fréquentait le lycée Roosevelt.

On voulait donc faire un truc dans l'esprit des Combinaisons et des Martyrs du Vercors. C'est à dire qu'on venait du rock à tendance punk, mais qu'on voulait faire un truc plus léger et drôle, avec un son nerveux mais surtout pas lourd. Dans le rock des années 80, il avait plusieurs tendances assez présentes mais qui n'étaient pas notre tasse de thé. On n'aimait pas le style cold-wave, son coté froid, sinistre, déprimé, sérieux et cérémonial. On trouvait ça ridicule et ennuyeux. On aimait bien le punk-rock, mais celui-ci virait de plus en plus au hard-core, avec beaucoup de distorsion et des rythmes trop rapides, du deux-temps, comme on disait alors. En gros, ça veut dire des coups de grosse caisse et de caisse claire alternés très rapidement et de façon linéaire - comme dans n'importe quel titre de GBH ou de Disorder, par exemple.

Concernant les groupes plus rock and roll, j'aimais aller voir les groupes programmés à la MJC Claudel (par l'association Un autre Émoi), mais vers 1988, le coté lourd seventies a pris de plus en plus le pas sur le côté sixties que je préférais. Des groupes comme les Motherfuckers ou les Real Cool Killers étaient surtout influencés par le MC5 ou les Stooges. Alors que je préférais des groupes comme les Surfadelics ou les Yesterdays Papers, avec de l'orgue et des guitares au son plus clair, façon Beatles ou Stones période Brian Jones.

Sinon, il y avait la vague du rock alternatif, qui nous avait pas mal marqué depuis 86, avec surtout Bérurier Noir et les Ludwig von 88. Comme eux, on voulait aller vers un truc plus fun, mais par contre on n’appréciait pas trop le côté punk de base qui leur collait à la peau, notamment une partie de leur public, ceux qu'on appellerait bientôt les punks à chiens. On n'aimait pas la violence dans les pogos (avec les coups de pieds en chaussures Doc Marteens coquées, par exemple). Et surtout, on n'aimait pas le conformisme ambiant qui s'installait de plus en plus dans le milieu rock et punk.

La fameuse rencontre entre Julien et Kankrela (chanteur des Combinaisons) lors du concert des Ludwig à Saint-Ex (17 avril 1987) résume bien ça : c'étaient les deux seuls mecs habillés en vieux costard, avec veste et chemise à col pelle-à-tarte, parmi une foule de 300 à 400 personnes où quasiment tout le monde portait un bomber noir (ou parfois vert) et un jeans bleu (ou noir), avec des Doc Marteens noires (ou parfois bordeaux). Et si tu n'étais pas habillé plus ou moins comme ça, tu étais considéré comme un gros « bouffon ». Quel conformisme ! En fait, ce n'était pas nouveau, ce paradoxe des « rebelles » conformistes, mais nous on le découvrait. Et ça nous saoulait pas mal.

Nos groupes préférés, c'étaient les Clash, Les Beatles, Les Easybeats, les Buzzcocks, Blondie, ou le premier album de Carte de Séjour, aussi. Et les Specials, Madness. Et puis, en fréquentant les Combinaisons, on a découvert Jonathan Richman, Captain Beafheart, Frank Zappa période Mothers, les Troggs, les Them, les vieux Johnny Hallyday... On s'est mis à traîner dans les dépôts-vente pour acheter des vieux 45tours de Mike Brant, d'Afric Simone, d'Anarchic System, de Dutronc, des jerks de George Jouvin et tout un tas d'autres trucs !

Bref, en pleine période 80's où le rock mainstream était roi, où il n'y avait que le hard-core et la pop anglaise noisy façon Happy Mondays comme alternative au Top 50 ou à Éric Clapton, à l'époque de Talk Talk, de The The et de Depeche Mode, nous, on était complètement ailleurs, plongés dans la découverte d'un autre monde, un vieux monde un peu oublié mais frais et excitant. On découvrait les sixties, les Beach Boys, les Sonics ou encore Otis Redding.

Pour moi, il y a très peu de grands disques à retenir parmi tous ceux sortis dans le milieu des années 80, à part ceux des Pogues (un groupe bien à part et à contre-courant), celui des Redskins (du soul-sixties revival, en fait) et quelques autres, mais très peu. Par contre, j'ai découvert un maximum de musiques (plus anciennes) durant cette période.

Revenons-en au groupe : le problème récurrent de base, c'est d'abord de trouver un local. On a commencé les répétitions dans une cave toute proche du lycée Clémenceau, rue Lagrive, chez les Proverman, des amis de mes parents qui avaient une grande maison assez ancienne. Il y avait un premier niveau de caves, puis dans l'une d'entre elles, une petite porte qui descendait vers un deuxième sous-sol, une sorte de bunker qui avait servi d'abri anti-bombes pendant la 2ème guerre mondiale ! On avait déjà répété là avec Destroy After Use, puis les Tchernobyl Rats, mes groupes précédents. On y est restés quelques semaines, c'était exigu mais on bossait bien. Après, on a pu avoir un autre local beaucoup plus grand, grâce à notre chanteur Jean-Mi, dans le sous-sol d'une entreprise de peinture – qui appartenait à l'un de ses oncles. Chez « Beaurin », ça s'appelait, c'était tout près de la MJC Georges Brassens, rue Charlier. On y venait en bus, par l'avenue Jean Jaurès. On avait plein de place et on pouvait y faire tout le bruit qu'on voulait. On répétait tous les samedi après-midi. Vers 4 heures, on allait se chercher des petits gâteaux et de la limonade à l'épicerie du coin - on ne buvait même pas encore de bière en répète, on était si jeunes !

Autre étape obligée : trouver le nom du groupe. On avait du mal, sur ce coup-là. Dans la salle, il y avait un paquet de grosses lettres orange autocollantes en carton, qui avaient dû servir pour une fête et avec lesquelles on s'amusait à essayer d'écrire des mots. C'est comme ça qu'on a trouvé Aldo Magic Band, avec les lettres disponibles ! D'abord Magic Band, juste parce qu'on était tout émerveillés par notre groupe balbutiant, puis Aldo, parce que le batteur était très apprécié de tous et que son surnom sonnait bien. Accolé avec Magic Band, ça le faisait. On a appris plus tard que Magic Band était le nom du groupe de Captain Beefheart, mais à ce moment-là, on ne connaissait même pas ce chanteur. Pourtant, on allait devenir les meilleurs copains des Combinaisons, de très grands fans de Beefheart, dont ils reprendraient bientôt Zig Zag Wanderer. Mais eux avaient pensé qu'on avait choisi ce nom en référence au Captain. Comme quoi le hasard fait bien les choses, parfois...

Ensuite, il y a l'étape des chansons, la constitution d'un répertoire. D'abord Pinocchio, la reprise des Martyrs du Vercors, dans la droite lignée de nos expériences avec Julien, le chanteur de ce groupe. On l'avait déjà jouée avec lui, Fedak et moi, pour la fête de la musique, dans l'éphémère formation de Johnny Olida. Pinocchio, c'était fort ; un truc simple et original, des propos enfantins mais bien écrits et qui sonnaient assez provocateurs dans la façon de les scander qu'avait établie Julien. Puis on a fait nos premières compos. C'est moi qui amenais les parties de guitare rythmique, couplets et refrains ; ensuite on rajoutait le reste autour : basse, batterie, puis flûte et chant. Ou bien parfois ça partait d'une idée de basse de Fédak...

Les Undertones : voilà à quoi j'aurais voulu que ressemble notre musique ! C'est ce que je me dis aujourd'hui en réécoutant leurs albums... Cette énergie, cette joie, ce mélange de puissance et de légèreté. A l'époque, je ne les connaissais pas encore bien, hormis Teenage kicks, mais on écoutait beaucoup les Buzzcocks, les Easybeats, les Jam, les Specials, Stiff Little Fingers... Quand je dis « on », c'est souvent moi + Fedak + mon frère. Aldo et Jean-Mi avaient des goûts en commun avec nous mais pas toujours aussi proches. Olivier connaissait moins le rock mais était ouvert à toutes ces découvertes, avec enthousiasme. Au-delà, il y avait Julien, avec qui on était très liés : beaucoup d'échanges, d 'écoutes en commun et de discussions sur la musique. Et puis les Combinaisons : Kankrela surtout, qui nous faisait écouter des tas de trucs, Bruno, Hugues… puis Fu, à partir de 88, avec qui j'échangeai pas mal. Sans oublier Dorian Feller, qu'on a connu via les Combinaisons.

Mais le résultat ne ressemble pas forcément aux visions musicales qu'on pouvait avoir ! Par exemple, l'un des premiers titres s’appelait Fils à papa, puis les paroles ont changé et c'est devenu Grenadine Muscadine. Dans les deux cas, ça reste assez gentillet et maladroit, en particulier au niveau des textes, qu'on avait du mal à écrire, ainsi qu’au niveau de l'interprétation musicale, encore un peu molle et imprécise. Mais question accords, pour moi, ce truc était censé ressembler à du Stiff Little Fingers : une suite de quatre accords, bien accrocheuse, qui se voulait quand même assez brutale ! Bon, ça ne rendait pas trop mal mais sans plus, avec un refrain correct dont la fin était un peu poussive et sans autres ponts ni breaks dans la chanson. Pourtant, finaliser ce morceau et le jouer nous rendait dingues d'enthousiasme ! Magie de la jeunesse, le charme des premières fois...

Puis on a eu un petit coup de chance en composant, quasiment collectivement, un bon morceau dans un style assez ska : Magic Time. Il y avait une base guitare/basse, comme toujours, mais ça a pris forme lors d'une répétition et on en était vraiment content, on voyait un peu ça comme notre premier 'tube' - toutes proportions gardées ! C'est l'un de nos seuls textes qui soit en anglais, c'est léger, c'est frais, c'est dansant : tout juste ce qu'on essayait d'atteindre, en somme. On l'a joué jusqu'à la fin du groupe, alors que Fils à papa n'a pas survécu longtemps au départ de Jean-Mi, tout comme Les Cow-boys ou Rotor et Stator. Pour cette chanson-là, c'est moi qui avais amené l'idée, j'avais lu un truc sur les moteurs dans un bouquin et ces deux termes étaient censés évoquer deux robots super-héros qui s'affrontaient... En fait c'était assez nul, comme la plupart de mes idées de chansons ! Mais bon, pour moi, c'était secondaire, les textes. Ce qu'on voulait, c'était juste que ça avance et coller des textes sur nos musiques pour pouvoir finaliser des morceaux. Avec le recul, je suis tenté de me dire que ça a en partie gâché de nombreux morceaux qui auraient pu être bien meilleurs. Par exemple, pour Si nous partageons ou Toi qui est lumière et Pourquoi, on avait piqué un livre de messe dans une église de l'avenue de Laon et on s'était dit « tiens, on n'a qu'à prendre des textes là-dedans, changer plusieurs mots et on verra bien ce que ça donne ». On devait penser que ça donnerait un coté second degré, décalé, mais quand on entend ça sans connaître le contexte, ça sonne juste comme du rock plus ou moins catho/boy-scout... bof, bof !

En tout cas, Jean-Mi a fait ce qu'il a pu. Pas facile, la mission du chanteur dans un groupe de rock. Et encore moins celle de parolier ! Lui qui aimait plutôt le style psychobilly a été OK pour essayer de faire un truc rigolo, suivant plus ou moins les préceptes qu'on se fixait, Julien et moi d'abord, puis Olivier, Fedak et moi par la suite... En quelque sorte, on avait envie d'imposer radicalement nos idées, à notre entourage et au-delà. Jean-Mi s'est donné du mal pour écrire des chansons, qu'on n'a pas toutes validées, puis il s'est peut-être un peu lassé de la tournure que les choses prenaient.

J'avais tendance à faire des théories un peu sur tout et ça devait être assez pénible – ou risible – parfois. Mais bon, au moins, nos projets musicaux, ça avait du nerf et c'est ce qui a bien plu aux Combinaisons, je crois.

Du coup, une grande amitié s'est créée et renforcée, entre eux, les 'vieux' et nous les 'jeunes' d'Aldo Magic Band et des Martyrs du Vercors (en fait il y avait à peine plus de 5 ans de différence, de 17 à 23 ans environ, mais c'était beaucoup pour nous : eux avaient déjà tous quitté le lycée depuis un bail). L'un des endroits clés de cette époque, c'était le Café du Palais. On se retrouvait constamment là-bas. Les Combinaisons (Duty, Fara et Kankrela en tête) aimaient bien y venir, à mon avis un peu par snobisme, car c'était un lieu un peu chic, bourgeois mais surtout culturel, ou d'autres groupes de rock n'auraient jamais mis les pieds. Et en même temps par provocation, car justement dans ce lieu un peu guindé, on passait facilement pour les zazous de service, les mauvais gamins amusants mais borderline. Deux autres raisons plus prosaïques étaient la Leffe pression, bière très bonne et encore peu répandue à l'époque, et la présence récurrente de nombreuses jolies jeunes filles !

Pour en revenir à Jean-Mi, c'est dans ce café qu'il nous a annoncé son départ du groupe, au printemps 1988. Non pas pour des divergences de style, mais parce qu'il allait partir au service militaire. Par rapport à ses études, c'était intéressant pour lui de devancer l'appel, apparemment. Donc on s'est quittés en bons termes, mais il n'était pas question pour nous d'en rester là et on a aussitôt cherché un nouveau chanteur pour le remplacer...

Pour en finir concernant nos premières chansons, il y a eu rapidement une autre réussite, avec la composition d'un reggae. C'était Fedak qui aimait le plus ce style et qui a trouvé la ligne de basse de départ. Là, pour les paroles, on a utilisé une autre source qui a bien mieux fonctionné : un chant traditionnel du Berry : Rossignolet des bois ! Et on ne s'est pas gênés : on a même piqué la ligne de chant originale, qu'on a calée sur notre musique (ça par contre, c'est moi qui m'en suis occupé car j'avais l'oreille assez mélodique pour ce genre d'expériences). Du coup ça donnait une ligne de chant bien distincte de la musique, ce qui n'est pas toujours évident à trouver. Et le coté mi-vieillot, mi-coquin des textes à double sens, un poil licencieux, rendait très bien. Il faut dire que parmi nos nombreuses influences, il y avait la découverte des Charlots, dont on recherchait des 45tours dans les dépôts-ventes de Reims, avec Kankrela, Julien et Fara...

En plus des compos, on a dès le départ fait des reprises : celle de Pinocchio, déjà citée, mais aussi une de Bob Radar et les Mythes Errants, un autre obscur groupe de Lyon, que j'avais connu par Julien. J'adorais leurs morceaux et notamment Les chars russes à Paris, un reggae aux paroles très provocantes et d'extrême-gauche : le refrain commençait par « Je veux les chars russes à Paris / Je veux me croire à Varsovie... ». Jean-Mi trouvait ça un peu lourd (et on peut le comprendre) alors il avait écrit une autre version, parodique, Les chars à bœufs à Paris, mais ça ne nous disait rien. Nous on voulait garder le côté provo et engagé à gauche qui nous caractérisait bien, surtout Olivier et moi. Olivier avait suivi comme moi les manifs étudiantes de 86. Fedak et moi, on venait d'un groupe punk, les Tchernobyl Rats, on avait monté un fanzine, Au NON de la loi ! On correspondait avec le SCALP (Section Carrément Anti-le Pen), Bondage Records, on était très fan des Clash et de leur engagement social (affiché en tout cas) ... Donc même si on s'éloignait du style musical punk, penchant bien plus vers des groupes comme les Ludwig von 88 ou les Satellites que vers des Oberkampf ou des Thugs, on tenait à rester bien clairs sur certaines choses.

C'est pour ça qu'on reprenait aussi No facsism, une chanson écrite par Bûcheron du temps des Tchernobyl Rats (et puis car ça nous faisait un morceau de plus déjà tout prêt, faut reconnaitre !). Mais là encore on a eu droit à une version détournée, par Julien cette fois-ci, qui s'appelait No facsism, no haschich ! Version improvisée lors du concert pour la Fête de la JOC en mai 88.

Et enfin deux reprises plus connues : celle de Christophe, Aline, un gros slow bien guimauve qui nous faisait marrer et avec un côté très sixties (des accords de guitare en arpèges) aux antipodes du style gras rock seventies ou eighties qu'on n'aimait pas du tout (ZZ Top ou Aerosmith, par exemple). Et la reprise des Bulldozers, une chanson super marrante d'un excellent groupe punk français (1978) : Oh yeah, oh no. Là pour le coup, les paroles sont très bonnes, façon Dutronc/Lanzmann, tout comme la musique ; celle-là faisait l'unanimité, aussi bien dans le groupe que dans le public.

Mais reprenons le fil des choses : après avoir créé des morceaux, le but suivant, c’était de les jouer en concert ! Après quelques semaines de répètes, on a pu obtenir un premier concert, au Festival du Hang’ Art, le 28 novembre 1987. Du moins, c'était prévu au Hang' Art, mais cette salle était sur le point d'arrêter les concerts, à cause des plaintes du voisinage. C'est là que Michel Jovanovic, le responsable de la programmation, a pu se rabattre sur une nouvelle salle, l'Usine, qui n'était alors qu'un simple squat. Nous, on connaissait déjà le lieu depuis l'été car on était un peu en contact avec les gens qui s'y étaient installés et qui venaient d'un autre squat, situé rue du Jard. Il y avait notamment parmi eux Alain Chotard et aussi un copain de lycée qui était un voisin d'Olivier (et un futur activiste de la Radio Primitive). On avait été à une ou deux soirées là-bas pendant l'été, avec des concerts et des DJ-sets improvisés, sur du matériel improbable.

Ensuite je crois qu'une fusion s'est opérée entre les gens issus de ce squat d'une part et l’association de Michel et du Hang' Art de l'autre, aboutissant à la création d'une nouvelle association et de l'Usine. Je me souviens qu'on a filé un coup de main un jour ou deux, avec Fédak et Julien ou Bûcheron, pour porter des trucs car ils refaisaient les tuiles de l'un des toits. Et on s'est dit assez vite que la baraque qui donnait sur la rue pourrait abriter des locaux de répétition pour des groupes, mais ça ne s'est pas fait avant plusieurs années, notamment parce que des gens habitaient sur place. Ils ont fait pas mal de démarches auprès de la ville, pour obtenir un début de reconnaissance officielle du lieu, moyennant pas mal de mises aux normes... Et les concerts à l'Usine ont pu démarrer comme ça, assez rapidement. Le Hang' Art a continué à servir encore quelques mois comme local pour des expos d'art plastique, puis a fermé définitivement.

Donc, les 27 et 28 novembre 1987, premiers concerts officiels à L’Usine (et cette fois-ci avec une vraie sono) : avec les Nuclear Device et les Washington Dead Cats le vendredi, puis des groupes de Reims le samedi : Les Combinaisons, Funeral Service et Aldo Magic Band (mais je crois bien que les Combinaisons ont finalement joué les deux soirs d'affilée). C'était un gros coup de bol pour nous de pouvoir jouer dans ce cadre dès notre premier concert ! Et un peu dû au fait qu'on traînait beaucoup dans les parages du Hang' Art et avec les Combinaisons, dont plusieurs membres avaient bossé là-bas, sous ces fameux contrats précaires qu'on appelait des TUC à l'époque (et qui ont pris plein d'autres noms par la suite).

Peu de souvenirs précis de cette soirée, à part que ça c'était bien passé et qu'on était super contents de jouer. Il y avait des copains et des copines qui faisaient les fans, dont Virginie et Coralie qui étaient spontanément montées danser sur scène pendant quelques titres. Il n'y avait pas encore trop de videurs ni de barrières, encore des tags sur les murs, peu d'organisation, c'était encore très free et proche de l'esprit squat ; ça s’est beaucoup professionnalisé par la suite, petit à petit, pour le meilleur (confort) et pour le pire (pas le droit de faire ceci ou cela). Et enfin j’étais super content de faire la première partie de mes deux groupes rémois préférés !

On a pu rejouer à l'Usine assez rapidement, le 5 mars 2008, en première partie de Nihil (groupe d'Epernay) et de Images of Spirit (groupe belge). On a dû faire à peu près le même set, avec juste quelques titres en plus. Entre temps on avait seulement fait une sorte de concert privé, un soir dans notre local, où étaient venues une vingtaine de personnes dont surtout des amis de Jean-Mi et d'Aldo. C'était donc notre deuxième vrai concert. Et il a été suivi de près par un troisième concert toujours à l'Usine, cette fois-ci en première partie des Ludwig von 88 ! Là on était gâtés, car c'était vraiment un gros truc pour nous ! On était quand même des fans de base du premier album, un ou deux ans plus tôt (Les iroquois à cheveux verts, Bilbao, HLM et compagnie…) Les Ludwig avaient été sympas et nous avaient complimenté sur notre reprise d'Aline qui les avait bien fait marrer, et sur l'ambiance générale du groupe, du genre « continuez comme ça les p'tits gars ».

Première partie des Ludwig von 88 (22 avril 1988), set-liste :

1/ Si nous partageons

2/ Grenadine muscadine (Fils à papa)

3/ Rotor et Stator

4/ Rossignolet des bois

5/ Aline (Christophe)

6/ Les Cow-Boys

7/ Pinocchio (Martyrs du Vercors)

8/ No fascisme (Tchernobyl Rats)

9/ Oh yeah, oh no (Bulldozers)

10/ Magic time

Au printemps 88, avec le départ de Jean-Mi, il nous fallait retrouver un chanteur et ce n'était pas facile, alors on a eu l'idée de proposer ça à mon frère, Clément, qui avait juste deux ans de moins que nous (c'est à dire 16 ans). Il aimait bien ce qu'on faisait, était branché sur la même musique que nous et copain avec tout le groupe. Il avait une bonne apparence, belle gueule et souriant, mais aussi assez classe et mesurée. Bref, ça a très bien fonctionné, il chantait juste, se donnait lui aussi du mal pour écrire des textes de chansons, bien que l'écriture reste relativement collective. Et il s'amusait bien sur scène.

Le premier concert avec Clément a eu lieu pour la Fête de la JOC (Jeunesse Ouvrière Chrétienne), un plan qu'un copain de Fédak nous avait trouvé, en plein air, par un bel après-midi au mois de mai.

Notre line-up était doublement spécial cette fois, car Olivier, le flûtiste n'avait pas pu être là et du coup on avait invité Julien à chanter au débotté avec Clément. Julien habitait toujours Lyon, où il chantait dans les Martyrs, mais il était fourré à Reims dès qu'il le pouvait, surtout dès l'arrivée des beaux jours.

Ça a donné un show très drôle et dynamique, avec des intermèdes ponctués de vannes pourries sur la JOC (ça veut dire quoi JOC ? - J'ai Oublié mes Clés) et hurlements pour haranguer la foule - qui était en fait assez clairsemée ! Julien se mettant aussi à remplacer la flûte sur un des morceaux, à grands coups de woua woua woua woua... On a d'ailleurs mis une sélection de ce concert en Face B de notre première K7, sortie l'année suivante.

Jouaient aussi après nous ce jour-là les Requins-Marteaux, qui étaient un peu nos concurrents et néanmoins amis. Aldo les connaissait de près et avait un temps répété avec eux. Il y avait Bertrand, l'un des guitaristes, avec qui je m'entendais très bien, Raphaël, le chanteur, qui était au lycée Jean Jaurès comme mon frère et assez copain avec lui. Et aussi Thomas, l'autre guitariste, mais qui deviendrait surtout le chanteur du groupe après le départ de Raphaël. Ce concert avec eux fût très cordial et il a dû y avoir un petit bœuf à un moment avec des membres des deux groupes, mais il faut dire qu'il y avait par ailleurs une petite rivalité entre nous. Pas tellement due à l'audience respective qu'on avait mais plutôt aux différences de styles qu'on portait.

Au niveau stylistique, ils représentaient un peu tout ce qu'on n'aimait pas, Julien et moi, à l'opposé de ce qu'on essayait de faire dans nos groupes. Ce côté un peu froid, un peu dark, sérieux, poseur, qui caractérisait en grande partie la pop anglaise façon Bernard Lenoir (et sa fameuse émission sur France Inter). Par exemple les morceaux qui commençaient par une ligne de basse + guitare rythmique, jouant à l'unisson la même suite de quatre accords (si possible mineurs) et surtout 8 ou 12 fois de suite avant que le chant ne démarre, ça avait le don de m'insupporter ! Et la recherche d'une ambiance poétique et déprimée, je n'y accrochais pas du tout. Le modèle français le plus célèbre dans ce style était Noir Désir et pour nous, c'était pile le genre de rock indé qu'on fuyait. Par exemple, Thomas, une fois devenu chanteur des Requins, prenait sur scène des airs graves et inspirés, s'entourant de volutes de fumée de cigarette, façon cabaret ou Tom Waits. Alors entre nous, on se moquait de ce genre de trucs, mais en même temps, on est toujours restés en bons termes avec eux. Et humainement, ils n'étaient pas prétentieux dans la vie de tous les jours, c'est juste qu'ils suivaient un peu ce type d'image, comme pas mal d'autres groupes (voir ces photos sépia des magazines début 90's où des types habillés en noir tirent tous la gueule au photographe).

Fin des concerts, pour cette première année scolaire d’existence, car les vacances d’été sont le plus souvent une grande parenthèse dans la vie des groupes amateurs. Olivier et Aldo partaient en vacances, tandis qu’avec Fédak et Julien on passait une bonne partie de juillet-août à trainer dans Reims, principalement avec les Combinaisons et à échafauder toutes sortes de projets…

Notre concert suivant fût la concrétisation de l’un de ces projets, un coup génial pour nous tous : un concert ensemble à l’Usine avec LMDV (Les Martyrs du Vercors) et les Combinaisons en tête d’affiche ! C’était le 12 novembre 1988 et on avait réussi à remplir correctement la salle, à coup de bouche à oreille et d’autopromo, car pour cette soirée les Combi étaient organisateurs (et non pas l’asso de l’Usine), avec une association qu’ils venaient de créer : PSA (La Petite Souris de l’Amour). Les Martyrs arrivèrent quelques jours avant le concert et furent logés chez divers membres d’Aldo Magic Band, c’était très sympa, un peu comme lors d’un échange scolaire. Ils étaient aussi accompagnés par la sœur de Julien et une copine, des groupies en quelque sorte ! La veille du concert, on était invités à une émission sur Radio Primitive, dans une ambiance très sympa et avec quelques extraits musicaux. Le concert fût vraiment une super soirée, avec quelques surprises musicales, comme leur nouvelle compo Captain Zougoulou, avec un côté quasiment rétro-disco, et une reprise de Porque te vas par les Martyrs. On était un peu influencés par certains trucs plus ou moins soul et psychédéliques (toutes proportions gardées) et Julien comme moi utilisions par exemple maintenant une pédale wha-wha. Mais attention, notre intérêt pour ce genre de musique a rarement dépassé l’année 1970, à partir de laquelle les choses se gâtent très majoritairement (le glam rock mis à part - et encore, pas tout).

Pour Aldo Magic Band, on bossait sur de nouveaux morceaux un peu plus chiadés, notamment Dès les premiers jours du printemps, avec des couplets plus ou moins soul mais très speed et un refrain plus lent mais très mélodique et accrocheur (avec un texte de Clément) et Un milliard de baisers, dont les paroles sont de Kankrela et Julien (écrites un après-midi au Café du Palais).

Début 1989, l’Usine nous propose à nouveau de faire une première partie (quand j’y repense on avait vraiment de la chance !) et rien moins que celle des Négresses Vertes ! On aimait beaucoup ce groupe, dont le chanteur Helno était un ancien choriste et danseur fou dans Bérurier Noir, mais qui s’était tourné vers la chanson française et la world musique, mais d’une façon très originale et classieuse (tout le monde connaissait déjà Zobi la mouche à ce moment-là). De plus, ils avaient un accordéon. Aldo, qui aimait cet instrument, n’allait pas tarder à s’y mettre lui-même.

Notre concert se passa très bien, encore une fois devant une salle bondée, avec pour seul mauvais souvenir Helno qui fout des coups de pied dans mes pédales d’effet pour les virer en arrivant sur scène (je n’avais pas encore eu le temps de les ranger). Mais bon, c’était quand même un sacré personnage. On a dû jouer à quatre, sans flûte, car Olivier avait un empêchement ce jour-là, mais ça n’a pas trop gêné le déroulement des morceaux. Et le concert des Négresses fût excellent. Dans un esprit assez proche, on a pu voir cette année-là à l’Usine les 3 Mustaphas 3, un groupe anglais signé sur le même label qu’eux (Off The Tracks) et qui jouait un mélange de musique balkanique, africaine et orientale ; on les adorait ! C’est encore La Petite souris de l’amour qui organisait le concert et les Combinaisons qui faisaient la première partie (c’était Bruno qui nous avait fait découvrir ce groupe en 1987).

Ensuite la série de concerts à l’Usine s’est arrêtée. Ils estimaient sans doute, à juste titre, qu’on y était beaucoup passés depuis un an et de toute façon, on pensait de notre côté qu’il était temps qu’on se bouge le cul pour jouer dans d’autres lieux et notamment trouver des concerts dans les bars de Reims. C’est ce qu’on a fait avec une petite série de concerts au printemps 89 : à l’Impérial Bar, à l’Opus 65 et enfin au Tigre, le 29 juin 1989. Une sorte de consécration car ce n’était pas évident de se faire accepter dans ce fameux lieu qui était à la fois le bar et la boite de nuit « rock » de Reims. Mais Aldo ayant toujours plein de bonnes relations à droite à et gauche, je crois que c’est grâce à lui qu’on avait obtenu cette date. On y a joué deux fois de suite, un set à 19h30 puis un autre à 21h30. Ce n’était pas dans la petite salle au sous-sol mais au rez-de-chaussée face à la piste de danse. Super ambiance, plein de monde, venu des lycées Clémenceau et Jean Jaurès ou d’ailleurs, c’était la fin de l’année scolaire, l’année du bac pour la plupart d’entre nous. Il y avait aussi les Combinaisons au grand complet. Et encore une fois Julien (déjà en vacances et donc de retour à Reims) qui joua quelques titres avec nous à la guitare, notamment une reprise de Les Coups, de Johnny Hallyday (l’adaptation française d’Uptight, de Stevie Wonder). Lui et moi avions déniché des chemises de hippies dans un dépôt vente, une orange et une verte et on les arborait fièrement, tel Jonathan Richman sur la pochette de Rock and roll with the Modern Lovers, plus loin que jamais des perfectos ou des bombers de notre première adolescence.

Un autre truc important cette année là est l’enregistrement d’une démo 4 titres avec Dorian Feller (alias Brodé Tango), chez lui sur son studio 4-pistes. Très bienveillant, il nous avait donné plein de bons conseils et on était très contents du résultat : Si nous partageons (le moins bon titre, avec le recul), Un milliard de baisers, Rossignolet des bois et Magic time. Les trois derniers étaient parmi nos meilleurs et le restent encore. On en avait tiré une K7 autoproduite (entre 50 et 80 exemplaires, de mémoire), son titre : « Un p’tit coup de printemps » On avait fait deux tirages : un à pochette noire de 4-titres (15 minutes), notre « démo » pour chercher des concerts ou se faire connaître (radios) et un tirage à pochette verte (30 minutes), avec 5 titres live en face B, tirés du concert à la JOC de 1988 : Les Cow-boys, Rotor et stator, No facism, no haschich, Pinocchio et Quand Julien remplace la flûte). La pochette était réalisée par Fédakar. Nous aurons nos 5 minutes de « gloire » éphémère, avec un passage de Rossignolet en intermède musical sur France Culture, grâce à une amie de ma mère qui bossait là-bas (merci Marie-France) !

A la rentrée scolaire 89, on avait repris les répètes. Encore des nouvelles compos : Mézigue le magicien (texte de moi, d’après un vieux roman marrant, résultat pas terrible), Tistou les pouces verts (texte d’Olivier, d’après un conte pour enfants), Sabine… Et quelques nouvelles reprises, dont deux du Clash, chantées par Fedak : Bankrobber et Guns of Bixton. Les compos et l’interprétation sont de plus en plus carrées, l’équilibre avec la flûte est meilleur, elle est d’autre part souvent remplacée par du mélodica, Olivier arrivant même parfois à alterner les deux instruments au sein d’un même morceau.

Le 30 novembre, on a un plan pour jouer à la MJC Saint-Exupéry, une assez grande salle, à coté de l’ancienne Maison de la culture (celle-ci étant devenue un théâtre vers 1988). On fait la première partie de Farenheit, un groupe de rock assez connu dans la région et plus ou moins professionnel (ils tournaient beaucoup) mais assez mainstream, un style dont on n’était pas du tout fans (mais les mecs étaient sympas). Je crois qu’on avait eu ce plan via Olivier et la fac de lettres de Reims, qu’il venait d’intégrer. De même, un ami d’Olivier nous propose de prendre le groupe en photo, dans le cadre d’un travail universitaire, ce qui donnera lieu à une belle série de portraits en noir et blanc, faite en deux fois, à notre local chez Beaurin et à la fac de lettres.

En décembre 89, le calendrier est bien rempli, avec deux concerts à l’Usine, le 10 et le 16. Le premier est organisé par PSA et notamment Manelle, l’organiste des Combinaisons. Elle accueille The Johnny Human Expedients, un excellent groupe anglo-suisse issu de la scène des musiques de traverses (rock expérimental, soutenu dans les années 80 par le label rémois Ayaa Records). Avec en première partie Aldo Magic Band mais aussi les Happy Droopy Boys. Ceux-là sont de bons amis du lycée Clémenceau, avec qui j’ai sympathisé depuis 1988 ; ils étaient pour la plupart en classe d’art plastique avec Aldo, notre batteur. Il y avait à l’origine de ce groupe Rodolphe, qui a quitté le groupe assez vite, mais restera un activiste de la scène musicale rémoise pendant plusieurs années (avant de poursuivre ses activités à Paris). D’ailleurs, dès fin 1988, Rod sort une K7 intitulée « Compile du Nain jaune N°1 », avec le copain Mathieu (ils avaient créé un petit label appelé EPE – Everywhere Promotion Edition). Cette K7 contient des titres de Brodé Tango, Joli Roger, Les Combinaisons, Aldo Magic Band et Les Requins Marteaux. Pour AMB, 3 titres live extraits du concert avec les Ludwig en 88 : Si nous partageons, Rotor et stator, Rossignolet des bois.

Dans Les Happy Droopy Boys, il y a aussi Patrick à la guitare, un ami très sympathique et bon guitariste (qui est décédé bien trop tôt, malheureusement) et surtout Moriss, le batteur, qui va finira par accompagner AMB sur quelques concerts. Ce concert est une fois de plus une belle fête, avec le public toujours présent et un bœuf entre AMB et HDP, pour jouer ensemble les reprises de The night before (Beatles) et de Surfin USA (Beach Boys).

Seulement 6 jours plus tard, on a la chance de repasser à l’Usine, avec 4 autres groupes, ayant été sollicités pour un concert de soutien aux Restos du cœur. Et Les Combinaisons sont de la partie. Je ne me souviens plus de l’ordre de passage et on a sans doute un set plus court que d’habitude, mais ça reste un bon souvenir et on avait eu un bel article de presse collectif pour l’occasion.

A ce sujet, on arrivait régulièrement à avoir de petits articles, avant ou après les concerts (surtout ceux à l’Usine) grâce au quotidien local, L’Union. Et pour AMB, on s’était fabriqué un petit pressbook, en 88 (revu et augmenté en 89). Il contenait donc ces petits articles de presse, plus un chouette texte de présentation des musiciens écrit à la main par Kankrela, avec sa belle écriture graphique et agrémenté de dessins rigolos.

On a fait un deuxième enregistrement studio avec Dorian Feller, enfin pas tout à fait, car je crois qu’on dû enregistrer la musique en live en répète puis ajouter les voix en studio. Les deux compos musicales, Toi qui est lumière et Tistou le pouces verts, étaient bonnes, mais les paroles n’étaient pas terribles et le son non plus, en tout cas moins bon que celui de la première démo. On ne les a pas sorties à l’époque, mais on peut les entendre aujourd’hui sur Bandcamp, ainsi que quelques titres issus d’une répète avec un son assez bon, datant du début de l’année 1990 (Dès les premiers jours du printemps, Sabine, My girlfriend is a mermaid). Le titre Viva l’Italia n’a malheureusement jamais été enregistré au propre.

En mars 1990, on rejoue une nouvelle fois à Saint-Ex, dans le cadre du Festival Pluriel 90 (encore un plan en lien avec la fac de lettres, avec deux autres groupes. Notre groupe est devenu assez carré, à force de jouer en répète et sur scène, on a tous acquis une certaine aisance, on fait tous plus ou moins des chœurs et notre répertoire atteint maintenant une vingtaine de titres, dont quelques reprises (et malgré plusieurs vieux morceaux laissés de côté). Les nouveaux titres sont Viva l’Italia, écrite collectivement avec mon frère et Julien (bon texte assez drôle et léger) et My girlfriend is a mermaid, chouette chanson de Clément, en anglais. On commence à avoir une petite notoriété sur Reims, ce concert sera un peu notre firmament, devant un public nombreux et Fedak se taillant un certain succès en chantant ses reprises du Clash. Et surtout, c’est le dernier concert avec Aldo. En effet, les liens se distendent de plus en plus entre lui et le reste du groupe, sans conflit ouvert mais on sent qu’il en a un peu marre et se tourne vers d’autres projets et vers d’autres gens. Il rate de plus en plus de répètes et nous dira ne pas être disponible pour nos deux derniers concerts. Il créera bientôt un nouveau groupe, Les Azteks Tartares, dans lequel il chantera et jouera de l’accordéon.

Festival Pluriels 90, Centre Saint-Exupéry (26 mars 1990) Set-liste :

1/ Si nous partageons

2/ Sabine

3/ Pourquoi

4/ Un milliard de baisers

5/ Rossignolet des bois

6/ Viva l’Italia

7/ Tistou les pouces verts

8/ Oh yeah, oh no (Bulldozers)

9/ My girlfriend is a mermaid

10/ Toi qui est lumière

11/ Mézigue

12/ Bankrobber (Clash)

13/ Pinocchio (Martyrs du Vercors)

14/ Magic time

15/ Dès les premiers jours du printemps


Peu après, on a un concert prévu à la MJC du Chemin Vert, le 13 avril, avec les Rice Chicken, un jeune groupe très chouette du quartier Croix Rouge qui joue de la musique africaine de style assez rock. On fait donc appel à l’ami Moriss des Happy Droopy Boys pour remplacer Aldo à la batterie et ça se passe très bien, c’est un excellent batteur et il apprend très vite nos morceaux. Ce concert a lieu un après-midi, dans une salle clairsemée mais l’ambiance est sympathique et c’est la seule fois où nous seront filmés (sur un camescope) ! Mais ce sont de très brefs extraits, malheureusement, il n’y a qu’un titre qui est presque filmé en entier (Mézigue). Le reste n’est que bouts de coupures de quelques secondes mis bout à bout.

Je crois que c’est aussi vers cette époque qu’on ne pouvait plus répéter à Beaurin et qu’on était revenus temporairement dans le local chez les Proverman, puis on nomadisait à droit et à gauche, dont quelques répètes dans une maison au Chemin Vert avec Moriss (je ne sais plus comment on avait atterri là-bas).

Enfin, pour la fête de la musique, on avait trouvé deux bons plans pour jouer : l’un au quartier Croix du Sud, près du Château d’eau, l’après-midi et l’autre le soir, sur un podium place d’Erlon. Malheureusement il pleuvait un peu par intermittence mais on ne s’en tira pas trop mal. Peu de monde l’après-midi mais beaucoup le soir et un bon accueil du public. L’ambiance dans le groupe était au beau fixe et avec la présence de Moriss, de nouveau impeccable à la batterie.

Puis la pause estivale est arrivée mais avec plusieurs changements cette fois-ci. Moriss nous avait filé le coup de main mais souhaitait se consacrer à nouveau son groupe, les Rubber Jam (dans lequel jouait d’ailleurs Mathieu, le plus jeune fils des Proverman (pas le même Mathieu que celui d’EPE). Aldo nous avait quittés. Et surtout, mon frère Clément partait faire des études à Paris, donc plus de chanteur à la rentrée ! Enfin, Olivier partait pour plus de 2 mois en colonie comme animateur et Fedak partait pour 3 mois faire son service militaire en Turquie. Je me retrouvais le seul du groupe en cet été 1990, toujours fourré avec Julien, qui s’installait pour faire des études sur Reims à la rentrée et avec nos copains des Combinaisons. Ceux-ci avaient peaufiné leur musique avec l’arrivée de Fu, le bassiste et ils cherchaient un deuxième guitariste, pour assurer la rythmique aux cotés de Bruno, lead-guitariste. Ils m’ont proposé de jouer avec eux et je me suis embarqué dans cette nouvelle aventure.

À leur retour sur Reims en octobre, Fedak et Olivier ont été déçus de voir que je ne voulais pas essayer de continuer quelque chose ensemble, mais je ne voyais pas ce qu’on aurait pu faire encore, sans chanteur ni batteur et puis j’étais plongé jusqu’au cou dans les Combinaisons. Clément ne souhaitait pas continuer à chanter et n’avait aucun regret d’en rester là. Fin de l’histoire – elle aura duré 3 ans. Mais j’ai rejoué avec Fedak (et Moriss) dans le groupe Dynamo de 1993 à 1995, puis Fedak a joué dans Les Morveux avec les ex-Combinaisons, en 1996 et 1997.

À la mémoire de Fédakar (1969-2021).

Formation :

Jean-Mi : chant (1987-1988)

Clément : chant (1988-1990)

Olivier : flûte, mélodica

Grégoire : guitare

Fédakar : basse

Aldo : batterie (1987-1990)

Moriss : batterie (1990)


Répertoire : (27 titres)

15 compositions :

Fils à papa (Grenadine muscadine) (87/88)

Les Cow-Boys (87/88)

Rotor et Stator (87/88)

Magic time (87/88)

Si nous partageons (87/88)

Rossignolet des bois (87/88)

Toi qui es lumière (88/89)

Pourquoi (88/89)

Un milliard de baisers (88/89)

Dès les premiers jours du printemps (88/89)

Tistou les pouces verts (88/89)

Sabine (89/90)

My girlfriend is a mermaid (89/90)

Mézigue le magicien (89/90)

Viva l'Italia (89/90)

12 reprises :

Pinocchio (Les Martyrs du Vercors)

Aline (Christophe)

Oh yeah, oh no (Les Bulldozers)

No fascism (Tchernobyl Rats)

Talking to your daddy (Les Combinaisons)

Les chars russes à Paris (Bob Radar et les Mythes Errants)

Bankrobber (The Clash)

Guns of Brixton (The Clash)

Come on (Chuck Berry / The Rolling Stones)

Les coups (Johnny Hallyday)

The Night before (The Beatles)

Surfin USA (The Beach Boys)


Concerts (15) :

28/11/1987 : L'Usine + Les Combinaisons + Funeral Service

05/03/1988 : L'Usine + Nihil + Images of Spirit

22/04/1988 : L'Usine + Ludwig von 88

15/05/1988 : Fête de la JOC + Requins-Marteaux (sans Olivier)

12/11/1988 : L'Usine + Les Martyrs du Vercors + Les Combinaisons

01/04/1989 : L'Usine + Les Négresses Vertes (sans Olivier)

28/04/1989 : L'Impérial bar

19/05/1989 : L'Opus 65 bar

29/06/1989 : Le Tigre (2 sets : 19h30 + 21h30)

30/11/1989 : Centre Saint-Exupéry + Fahrenheit

10/12/1989 : L'Usine + Happy Droopy Boys + The Johnny Human Expedients

16/12/1989 : L'Usine, concert Restos du cœur + Charlotte Opium + Les Combinaisons + Giorgio et les Pom Pom + Darkness

26/03/1990 : Centre Saint-Exupéry 'Festival Pluriels 90' + Les Radadas + Renald Remus

13/04/1990 : MJC du Chemin Vert + Chicken Rice (avec Morris à la batterie)

21/06/1990 : Fête de la musique, Croix du Sud (15h), Place d'Erlon (20h) (avec Morris à la batterie)

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